Σύνθεση: N. Vajic, Πρόεδρος, Χρ. Ροζάκης, A. Kovler, E. Steiner, Kh. Hajiyev, G. Malinverni, Γ. Νικολάου, Δικαστές Νομικοί παραστάτες: Ι. Κούρτοβικ – Γ. Κανελλόπουλος (Σύμβουλος Ν.Σ.Κ.), Σ. Τρέκλη (Εισηγήτρια Ν.Σ.Κ.)
[…]EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. La requérante est née en 1951, réside à Xanthi et est au chômage.
6. En 1973, la requérante, citoyenne grecque de confession musulmane, épousa Hussein Zeibek, également citoyen grec de confession musulmane. En 1974, 1975, 1977 et 1982, la requérante donna naissance à quatre enfants, Ozour, Fatme, Aisel et Ilkai. A la naissance du quatrième enfant, elle devint mère de famille nombreuse au sens de l’article 1 de la loi no 1910/1944.
7. En janvier 1984, la requérante, accompagnée de sa famille, rendit visite à son père, à Istanbul. Pendant leur séjour, le mari de la requérante perdit son passeport et s’adressa au consulat grec afin d’obtenir un document officiel lui permettant de retourner en Grèce. Quelques mois plus tard, le consulat informa le mari de la requérante qu’il avait perdu sa nationalité grecque par une décision du ministre de l’Intérieur. Toutefois, la copie de la décision ne lui fut pas notifiée. Le 30 mai 1985, la requérante et ses enfants, qui possédaient des passeports grecs, revinrent en Grèce. Son mari les suivit un mois plus tard, en traversant illégalement la frontière.
8. La requérante fut alors informée que, par une décision du 22 novembre 1984, le ministre de l’Intérieur avait privé tous les membres de la famille Zeïbek de leur nationalité grecque, en application de l’article 19 du code de la nationalité en vigueur à l’époque (voir ci-dessous le droit interne pertinent). La décision indiquait que tous les membres de la famille avaient quitté le territoire grec et avaient installé le centre de leur vie familiale, sociale et économique à l’étranger, après avoir liquidé, le 30 décembre 1983, leur patrimoine mobilier et immobilier. Il en ressortait leur intention de ne plus revenir en Grèce.
9. Le 1er septembre 1995, la famille Zeïbek saisit le Conseil d’Etat d’un recours en annulation de la décision leur retirant la nationalité. Elle soutenait que la décision ne leur avait jamais été notifiée, que les faits sur la base desquels elle avait été prise étaient incorrects, que la décision n’était pas suffisamment motivée et qu’aucun membre de la famille n’avait été préalablement entendu.
10. Le 11 septembre 1996, le Conseil d’Etat déclara le recours irrecevable. Il releva que la décision attaquée avait été rendue le 22 novembre 1984 sur la base d’un rapport de police de Xanthi, selon lequel la famille Zeïbek avait vendu tous ses biens le 30 décembre 1983 et quitté
11. Le 25 octobre 1996, la famille Zeïbek introduisit une requête (no 34372/97) devant
Le 21 mai 1997,
12. En 1998, l’article 19 du code de la nationalité fut supprimé. L’administration invita alors les membres de la communauté musulmane, qui avaient été privés de leur nationalité grecque, à postuler pour leur naturalisation ce que firent la requérante et sa famille le 4 novembre 1999.
13. Par une décision du 23 mai 2000, la nationalité grecque fut restituée à la requérante et à trois de ses quatre enfants, mais pas à son mari (en raison du fait que son casier judiciaire n’était pas vierge suite à des infractions au code de la route) et à l’une de ses filles (Ilkaï), qui était à la fois mineure, mariée et considérée ainsi comme étant sous la tutelle de son mari elle ne pouvait donc acquérir la nationalité grecque par le biais de sa mère. Toutefois, nulle décision de rejet ne fut portée à la connaissance d’Ilkaï par le service compétent.
14. Le 4 janvier 2001, Ilkaï introduisit une nouvelle demande de restitution de la nationalité. Le 9 juillet 2003, l’administration compétente l’informa que pour procéder à la naturalisation, elle devait déposer, entre autres justificatifs, un timbre fiscal de 1 467,53 euros. En 2003, Ilkaï saisit le médiateur qui, par un avis du 2 février 2004, conclut qu’il existait un problème de légalité concernant tant la procédure appliquée à Ilkaï que l’exigence de payer un timbre fiscal.
15. Le 19 décembre 2001, la requérante sollicita auprès d’un organisme de sécurité sociale une retraite à vie en tant que mère de famille nombreuse, conformément aux dispositions de l’article 63 de la loi 1892/1990, de l’article 18 § 9 de la loi 2008/1992 et de l’article 3 § 4 de la loi 2163/1993 (aux termes duquel pour fonder un droit à l’octroi des allocations, les enfants doivent avoir la nationalité grecque).
16. Par un acte du 22 novembre 2002, le directeur du département des allocations familiales rejeta sa demande. Il releva que les quatre enfants de la requérante n’étaient pas tous de nationalité grecque et que, par conséquent, les conditions exigées par la loi ne se trouvaient pas réunies.
17. La requérante forma un recours contre cette décision devant la commission du contentieux du département des allocations familiales. Le 22 octobre 2003, cette commission rejeta le recours pour les mêmes motifs.
18. Le 1er juin 2004, la requérante saisit le Conseil d’Etat. Elle soutenait qu’elle avait droit à une retraite à vie du fait qu’elle avait acquis la qualité de mère de famille nombreuse, au sens de la loi 860/1979, au moment de la naissance de son quatrième enfant et qu’elle était citoyenne grecque. Elle ajoutait qu’elle n’avait pas perdu cette qualité en dépit de la perte de la nationalité, car cette qualité était pérenne. Elle alléguait une violation des articles 21 de
19. Le 22 mai 2006, le Conseil d’Etat rejeta le recours. Il considéra que l’article 21 de
20. Par une décision du 25 janvier 2007, le ministre de l’Intérieur révoqua la décision par laquelle Ilkaï avait été privée de sa nationalité grecque.
[…]EN DROIT[…]
II. SUR
34. La requérante se plaint d’avoir été privée d’une pension de retraite en tant que mère de famille nombreuse. Elle invoque l’article 1 du Protocole no 1 pris isolément et en combinaison avec l’article 14 de
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
A. Sur la recevabilité
35. En premier lieu, le Gouvernement soutient que la requérante ne peut se prévaloir de l’existence d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1. La pension de mère de famille nombreuse ne constitue pas une allocation sociale ou une rémunération en relation avec une prestation de travail, mais une incitation, sous forme pécuniaire prévue dans le budget de l’Etat, pour faire face au problème démographique aigu de
36. La requérante soutient que si la pension de retraite n’a pas un caractère évident de rétribution, elle constitue cependant une sorte de rétribution pour les mères de familles nombreuses pour le travail précieux, quoique non rémunéré, qu’elles fournissent en tant que mères et qui les oblige à rester hors du marché du travail.
37.
38.
39. Enfin,
40. Compte tenu du droit interne pertinent et de la situation de la requérante,
41.
B. Sur le fond
42. Le Gouvernement soutient qu’à supposer même que la requérante disposait d’un « bien », le législateur avait soumis l’octroi de cette pension à certains critères. Or, les autorités compétentes ont estimé qu’à la date de sa demande, la requérante ne remplissait pas tous les critères requis, en raison notamment du fait qu’Ilkaï était déjà mariée. Le Gouvernement ajoute que, la décision retirant la nationalité à Ilkaï ayant été révoquée, la requérante peut déposer une nouvelle demande pour obtenir la pension, puisqu’elle remplit désormais toutes les conditions requises à cet égard.
43. La requérante souligne que le retrait de la nationalité aux membres de sa famille, en application de l’article 19 du code de la nationalité, a eu une incidence sur ses griefs sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1. Elle affirme faire partie de 46 638 musulmans, vivant pour la plupart en Thrace, dont la nationalité a été retirée entre 1955 et 1996. La plupart d’entre eux n’ont pas été informés du fait qu’une procédure était engagée pour leur retirer la nationalité, et ce n’est qu’à l’occasion d’une demande de passeport ou d’un certificat de naissance qu’ils ont eu connaissance de la décision de retrait elle-même. Le recours au Conseil d’Etat constituait un « luxe » inaccessible à ces paysans de Thrace qui n’avaient pas de moyens suffisants pour le saisir. Quelques recours en annulation tentés devant cette juridiction ont été rejetés comme tardifs, au motif que le délai de soixante jours à compter de la publication de la décision était révolu.
44. La requérante prétend que les autorités ont refusé de lui accorder le bénéfice de la pension au prétexte de la perte de la nationalité grecque de sa fille, mais la véritable raison du refus réside dans le fait qu’elles sont toutes deux de confession musulmane.
45.
46. Selon la jurisprudence de
47.
48.
49. S’il est vrai, comme l’a souligné le Conseil d’Etat dans son arrêt du 22 mai 2006, que la famille de la requérante a perdu la nationalité grecque en 1984 alors que cette pension avait été établie par la loi no 1892/1990, la requérante a été rétablie dans sa nationalité en mai 2000. Elle a sollicité la pension en décembre 2001 et les autorités l’ont refusée en novembre 2002. Or,
50. Dans ce contexte, et eu égard à l’importance qu’accordent tant
51.
52. Partant, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 pris isolément et combiné avec l’article 14 de
[…]
Για το πλήρες πρωτότυπο κείμενο της απόφασης στα γαλλικά (Ευρωπαϊκό Δικαστήριο των Δικαιωμάτων του Ανθρώπου):
Για την επίσημη μετάφραση της απόφασης στα ελληνικά (Νομικό Συμβούλιο του Κράτους): http://www.nsk.gr/edad/ee616.pdf
Σημείωμα
Ίσως το πιο χαρακτηριστικό σημείο στην απόφαση είναι η αποστροφή, στη σκέψη 50, ότι «το Δικαστήριο εκφράζει την έκπληξή του» [
Η υπόθεση αφορά την άρνηση χορήγησης πολυτεκνικού επιδόματος, της ισόβιας σύνταξης πολύτεκνης μητέρας, σε Ελληνίδα μουσουλμάνα της Θράκης με τέσσερα παιδιά, το ένα από τα οποία είχε στερηθεί την ελληνική ιθαγένεια. Ο νόμος (άρθρο 63 του ν. 1892/1990) είναι στο σημείο αυτό σαφής: η χορήγηση του επιδόματος εξαρτάται από την ελληνική ιθαγένεια (όλων) των παιδιών. Καθόλου σαφής, αντίθετα, όπως επισημαίνει και το Δικαστήριο, δεν υπήρξε στη συγκεκριμένη περίπτωση ούτε ο τρόπος με τον οποίο τα μέλη της οικογένειας της προσφεύγουσας στερήθηκαν, κατ’ εφαρμογή του περιβόητου άρθρου 19, την ελληνική ιθαγένεια ούτε, πολύ περισσότερο, ο λόγος για τον οποίον αποκαταστάθηκε η ιθαγένεια της μητέρας και των τριών παιδιών, αλλά όχι και του τέταρτου.
Το Συμβούλιο της Επικρατείας, στο οποίο η πολύτεκνη προσέφυγε, απέρριψε την αίτησή της, κρίνοντας ότι δεν αντίκειται στο Σύνταγμα η εξάρτηση της χορήγησης πολυτεκνικών παροχών από την προϋπόθεση της ιθαγένειας. Για το Συμβούλιο, η συνταγματική προστασία της πολύτεκνης οικογένειας (παρ. 2 του άρθρου 21 Συντ.) εντάσσεται στο ευρύτερο πλαίσιο της συνταγματικής προστασίας της οικογένειας ως θεμελίου της συντήρησης και προαγωγής του ελληνικού έθνους (παρ. 1 του ίδιου άρθρου) και συνεπώς δεν αναφέρεται σε οικογένειες αλλοδαπών που ζουν στην Ελλάδα, ενώ οι πολυτεκνικές παροχές έχουν το χαρακτήρα κινήτρου για την αντιμετώπιση του δημογραφικού προβλήματος (ΣτΕ 1489/2006, ΕΔΔΔ 2008, σ. 498, ομοίως ΣτΕ 771/2007, ΕφημΔΔ 2007, σ. 627 = ΤοΣ 2008, σ. 217 επ., με παρατηρήσεις Ι. Παπαγεωργίου, κ.ά.).
Ένας απόλυτος αποκλεισμός από ορισμένο πεδίο κοινωνικής προστασίας, με αποκλειστικό κριτήριο την ιθαγένεια, δεν μπορεί παρά να προβληματίζει όσον αφορά τη συμβατότητά του προς το Σύνταγμα και το διεθνές δίκαιο (βλ. Ακρ. Καϊδατζή, Κοινωνικές παροχές και ιδιότητα του πολίτη: Η αντισυνταγματικότητα του αποκλεισμού αλλοδαπών από τη χορήγηση πολυτεκνικών επιδομάτων, ΕφημΔΔ 2007, σ. 629 επ., Ι. Παπαγεωργίου, Πολυτεκνικό επίδομα και αναγνωρισμένοι πρόσφυγες στην Ελλάδα, ΘΠΔΔ 2008, σ. 140 επ.). Οι πολυτεκνικές παροχές έχουν πράγματι χαρακτήρα κινήτρου για την εξυπηρέτηση δημογραφικών σκοπών, το δημογραφικό όμως δεν είναι εθνοφυλετικό, αλλά κοινωνικό ζήτημα. Η προστασία, επομένως, των πολύτεκνων οικογενειών, συνταγματική και νομοθετική, δεν εξυπηρετεί τόσο, και πάντως όχι μόνο, την «προαγωγή του ελληνικού Έθνους», αλλά έχει πρωτίστως προνοιακό χαρακτήρα. Κατά τούτο, η παρ. 2 του άρθρου 21 Συντ. δεν προστατεύει ειδικά μόνο τους Έλληνες πολύτεκνους, αλλά τους πολύτεκνους που ζουν στην Ελλάδα. Ευρύτερα, τα κοινωνικά δικαιώματα αποσκοπούν στην προστασία του κοινωνικού ανθρώπου, του ανθρώπου ως μέλους του κοινωνικού συνόλου, δηλαδή του κοινωνικού –και όχι μόνο του Έλληνα– πολίτη (βλ. Ακρ. Καϊδατζή, Κοινωνικά δικαιώματα, ιδιότητα του πολίτη και μετανάστες, σε: ΙΜΕΠΟ, Μετανάστευση στην Ελλάδα: Εμπειρίες, πολιτικές, προοπτικές, τόμ. B΄, 2008, σ. 70 επ.).
Με τη σχολιαζόμενη απόφαση, το Ευρωπαϊκό Δικαστήριο των Δικαιωμάτων του Ανθρώπου έρχεται να ανατρέψει μιαν ατυχή πρακτική του ελληνικού κράτους, υπεύθυνος για την οποία –ας μη το ξεχνάμε– είναι πρωτίστως ο νομοθέτης, που θέσπισε τη δυσμενή διάκριση στην απόληψη των πολυτεκνικών παροχών, και πολύ λιγότερο ο δικαστής, που την ανέχθηκε. Ανεξάρτητα πάντως απ’ τη συγκεκριμένη υπόθεση, το ιδιαίτερο ενδιαφέρον της απόφασης έγκειται στο ότι εντάσσεται σε μιαν ευρύτερη τάση του Δικαστηρίου του Στρασβούργου τα τελευταία χρόνια –την οποία και επιβεβαιώνει με πολύ ξεκάθαρο τρόπο–, την επέκταση δηλαδή της δικαιοδοσίας του σε θέματα κοινωνικών παροχών, παρά την απουσία κοινωνικών δικαιωμάτων στη Σύμβαση, μέσω μιας διευρυμένης έννοιας ιδιοκτησίας (άρθρο 1 του Πρώτου Πρωτοκόλλου) σε συνδυασμό με την απαγόρευση διακρίσεων (άρθρο 14 ΕΣΔΑ). Ιδίως η τελευταία διάταξη, που μάλλον φειδωλά έχει ως τώρα χρησιμοποιηθεί από το Δικαστήριο, αναδεικνύεται έτσι, εν δυνάμει, σε προνομιακό πεδίο για τον έλεγχο του περιορισμού εθνικών κοινωνικών δικαιωμάτων (βλ. ιδίως Στ. Κτιστάκη, Οι κοινωνικές παροχές υπό το πρίσμα της ΕΣΔΑ, ΘΠΔΔ 2009, σ. 657 επ., επίσης Γ. Κατρούγκαλου, Θεσμοί κοινωνικής πολιτικής και προστασία των κοινωνικών δικαιωμάτων σε διεθνές και εθνικό επίπεδο, 2009, σ. 67 επ.).