Un état d’exception nullement exceptionnel. La crise souveraine et le crépuscule de la Constitution. Un aperçu historique

Iphigenie Kamtsidou, Professeur Associée de Droit Constitutionnel – Université de Thessalonique, Présidente du Centre National de l’Administration Publique et Territoriale

En Grèce, la crise de la dette souveraine s’est présentée comme une circonstance exceptionnelle qui menaçait la survie du pays. Durant le 20e siècle, des circonstances similaires ont été traitées juridiquement sous le concept de l’«état de nécessité», qui, d’après la jurisprudence, justifie le sursis provisoire des garanties constitutionnelles, afin que le danger soit affronté et que le régime revient à la normalité démocratique. En revanche, dans la présente situation, les tribunaux ont conclu que le rétablissement de l’équilibre budgétaire et l’adaptation du pays aux règles de la gouvernance économique européenne et mondiale constituent des objectifs d’intérêt public suprême qui conditionnent et déterminent la législation et la politique générale du gouvernement. Ainsi, les circonstances exceptionnelles ont été intégrées à l’édifice constitutionnel de façon permanente et la protection de l’État de droit et des institutions démocratiques a été placée sous leur tutelle. La Constitution en tant que fondement et limite du pouvoir décline et les plus importantes décisions législatives et gouvernementales sont prises par des technocrates sous un contrôle juridictionnel qui s’affaiblit.