Le recours à l’intérêt public est une constante dans la pratique constitutionnelle de la Grèce durant la crise économique. Le législateur et le juge l’invoquent -dans de différentes versions (important, national, supérieur, suprême)- pour justifier une politique censée nécessaire à la survie de l’État, ainsi que des mesures législatives qui affaiblissent la protection des droits fondamentaux et /ou dévaluent des principes constitutionnels. Les finances publiques et leur santé, l’équilibre budgétaire et la stabilité économique sont reconnus comme des objectifs majeurs d’intérêt public, aptes à fléchir toute réglementation constitutionnelle. La définition de ces objectifs et le choix des moyens pour les servir ne s’effectue pas par l’Assemblée Nationale׃ c’est le gouvernement qui exerce le pouvoir législatif soit en abusant de son pouvoir réglementaire autonome, soit en déformant la procédure législative ordinaire. De surcroît, le caractère éminemment technique des objectifs à atteindre de même que leur évidence trompeuse délimitent fortement le contrôle de constitutionnalité des lois. Le juge ne peut pas se servir des moyens propres à sa tache (les règles de la logique et les préceptes de l’expérience commune) pour contrôler le lien requis entre ces buts et les réglementations contestées. L’ intérêt public cesse, donc, d’être formulé dans et par l’antagonisme démocratique et sa satisfaction n’est plus soumises aux préceptes de l’État de droit.